Après quatre ans et demi d'impasse armée aux frontières, l'Inde et la Chine ont convenu la semaine dernière de réduire les tensions frontalières, instaurant ainsi une stabilité régionale et renforçant la coopération entre les pays du Sud global.
Même si aucune déclaration conjointe ni annonce formelle sur les spécificités n'ont été faites par les dirigeants indiens et chinois concernant la situation frontalière épineuse, l'annonce du 21 octobre par le secrétaire aux Affaires étrangères indien, Vikram Misri, que les patrouilles reprendront du côté indien a envoyé des signaux positifs.

Ceci reflète des années de mobilisation des troupes, de défense de sa position, de force dans les techniques de guerre en montagne, de diplomatie persistante et d'innombrables pourparlers en coulisses entre les responsables des deux parties.

Rapprochement aux frontières
Le Premier Ministre Narendra Modi et le Président Xi Jinping se sont rencontrés le 23 octobre pour la première fois en cinq ans à Kazan en Russie, lieu de la 16e rencontre des BRICS, et ont ratifié cet arrangement.

Ils ont également suggéré la reprise du mécanisme du Représentant Spécial (SR) mis en place en 2003 et 22 rounds de ce type de discussions ont eu lieu jusqu'en 2019. Les affrontements de juin 2020 à Galwan ont entravé l'avancement des pourparlers du SR chargés d'identifier une Ligne de Contrôle Actuel mutuellement acceptable entre les deux pays.

L'Inde et la Chine ont tenu 21 rounds de rencontres entre commandants de corps et 31 rounds du Mécanisme de Travail pour la Consultation et la Coordination des Affaires Frontalières Inde-Chine (WMCC) jusqu'à présent.

Le Ministre des Affaires Etrangères Dr S. Jaishankar et le Conseiller à la Sécurité Nationale Ajit Doval ont également eu des entretiens avec le Ministre des Affaires Etrangères chinois Wang Yi à Astana (4 juillet) et à Vientiane (25 juillet) ainsi qu'à Saint-Pétersbourg (12 septembre) respectivement. Une série de ces réunions a été organisée suite à la suggestion du PM Modi en avril de cette année, lors d'une interview à Newsweek, que l'Inde et la Chine devraient améliorer leurs relations.

Après quatre ans et demi d'impasse armée, la reprise des patrouilles par le côté indien dans les régions de Depsang et Demchok est un développement positif pour réduire les tensions frontalières, favoriser la stabilité régionale et renforcer la coopération entre les pays du Sud global.

Sur les 65 points de patrouille des chaînes du Karakoram à la région de Chumar aux frontières Himachal/Uttaranchal avec le Tibet, quelques zones ont été le théâtre de friction entre les patrouilles des deux pays. Lors des réunions des commandants de corps, certaines d'entre elles ont été résolues.

Il est intéressant de noter que c'est peut-être aussi la première fois que la Chine a cédé à une exigence de patrouille et de désengagement, alors qu'en mer de Chine méridionale, dans le litige sur les îles Senkaku ou dans la mobilisation du détroit de Taïwan, elle n'avait accordé aucun répit à ses adversaires. Il est clair que les coûts pour la Chine se multiplient sur divers fronts.

Principales raisons du recul de la Chine
Le déclin économique relatif de 10 pourcent en 2010 à environ 5 pourcent récemment, l'effondrement de l'immobilier, l'endettement local croissant, le chômage en augmentation, l'émergence de conflits sur plusieurs fronts, les tensions civilo-militaires, le découplage, et les difficultés de désendettement avec les pays occidentaux, conjugués à la résistance obstinée des forces armées indiennes et à la ferme réponse du Dr S Jaishankar dans différents forums internationaux, ont tous contribué à un changement de position de la Chine envers l'Inde.

Les préoccupations de New Delhi sont de savoir combien de temps durera l'engagement de la Chine pour les accords bilatéraux et pour la paix et la stabilité aux frontières et dans les relations bilatérales.

Il est certain que les concessions de la Chine sont de nature tactique, tout en dominant stratégiquement la région de l'Aksai Chin. Pour éviter tout piège, l'Inde doit rester sur ses gardes et insister pour que les arrangements soient correctement mis en œuvre.
Besoin de se concentrer sur l'aspect fondamental des relations

Alors que l'Inde et la Chine célébreront le 75e anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques l'année prochaine, l'Inde doit atténuer toute euphorie mais se concentrer sur l'aspect fondamental des relations bilatérales, à savoir la résolution du conflit territorial avant que tout autre lien ne soit travaillé.

La Chine d'aujourd'hui expose son vigueur partout, suivant l'insistance du Président Xi que "les intérêts fondamentaux sont plus importants que les intérêts de développement".

Les problèmes de déficit de confiance ne disparaîtront pas dans les relations avec la Chine étant donné la mobilisation non provoquée de ses deux brigades fin 2019 dans l'est du Ladakh, malgré le 2e "sommet informel" que le PM Modi a tenu avec le Président Xi à Mamallapuram dans l'état du sud de l'Inde, le Tamil Nadu.

Il n'est donc pas étonnant que le PM Modi ait rappelé au Président Xi lors de la rencontre de Kazan la nécessité d'une confiance mutuelle pour des relations bilatérales stables. Alors que la Chine a violé les cinq mécanismes de renforcement de la confiance avec l'Inde et a provoqué l'incident de Galwan, l'Inde doit proposer des mesures nouvelles et contraignantes pour la stabilité des frontières, une fois achevés les processus actuels de patrouille et de désengagement.

Conclusion
Même si tous deux ont décidé de désengager les troupes, de permettre la reprise des patrouilles et de démanteler les tentes temporaires construites au cours des quatre dernières années, il n'est pas clair si les zones tampons et les structures de défense permanentes qui ont été élevées seront dégagées.

Le succès de ce tour d'efforts - et à moyen terme la normalisation des relations bilatérales - dépendra également des réponses de l'Armée de Libération du Peuple, car elle a montré une résistance considérable aux mesures de renforcement de la confiance.

Dans l'ensemble, la reprise actuelle des patrouilles et le désengagement des troupes constituent un pas dans la bonne direction, dont l'évolution doit être surveillée de près.

Si il est naturel de soulever certaines questions fondamentales, telles que pourquoi une telle situation est survenue dans les relations bilatérales en juin 2020, il est également important de noter que grâce à des efforts diplomatiques laborieux, les deux parties ont pu œuvrer pour la paix et la stabilité aux frontières.

**** L'auteur est professeur d'études chinoises à JNU ; les opinions exprimées ici lui sont propres